La coiffure naturelle ne connaît pas la crise

15/11/2023 Développement durable
Développement durable La coiffure naturelle ne connaît pas la crise

L’inquiétude sur le pouvoir d’achat a pour la première fois mis un coup d’arrêt au bio. Pourtant le naturel et l’écoconsommation continuent d’avoir le vent en poupe et restent des moteurs de la croissance en cosmétique.


Le naturel et l’écoresponsabilité sont bien implantés en cosmétique, au point d’en porter la dynamique de croissance. Une récente étude Nielsen est sans appel : l’hygiène beauté bio a enregistré une hausse, certes ralentie mais réelle, de 11,2 % en 2021 sur un marché traditionnel en repli de 6,3 %. Si le degré de conversion aux ingrédients non liés à la chimie de synthèse ou les engagements environnementaux dépendent de chaque entreprise, le mouvement de fond est là. Il s’invite dans la communication et la consommation, mais aussi de plus en plus dans la loi. L’un des points d’inflexion les plus importants a été l’interdiction de l’expérimentation animale en Europe en 2004 pour les cosmétiques. Depuis, lois et réglementations liées à l’écoresponsabilité s’enchaînent, dont la loi AGEC (Antigaspillage pour une économie circulaire) en 2020, applicable à tous les domaines avec diverses contraintes, la plus emblématique étant, après le passage au 100 % recyclé pour les plastiques d’ici 2025, la fin des emballages plastiques à usage unique en 2040. Ces règles ne font qu’accompagner une mutation sociétale déjà constatée, y compris dans la coiffure, depuis des années. Ainsi les deux tiers des Français veulent-ils consommer mieux, avec une forte attente sur des produits écoresponsables pour plus de la moitié et, surtout, ils le concrétisent dans leurs actes d’achats, devenant des écoconsommateurs !

Le bio souffre le naturel progresse encore!
Les marques naturelles enregistrent des progressions à deux chiffres, même si la crise du pouvoir d’achat a ralenti cette croissance début 2022. Mais l’essentiel est ailleurs pour Christian Roche, créateur de Marcapar : « Après la phase où ceux qui s’engageaient était parfois considérés avec condescendance, la prise de conscience du fait qu’il faut faire attention à notre planète et à notre santé est générale, même chez les grandes entreprises. De notre côté, nous avons travaillé pour obtenir des résultats stables en coloration et répondant aux attentes des professionnels pour sortir de l’expérimentation des pionniers. » Précurseur, il l’a été en se lançant dans le vrac avec des colorations, soins et shampooings de la ligne Recette, un principe qui commence à se développer, y compris en parfumerie grand public. Désormais, tout le monde teste ou déploie l’idée, de façon assez logique chez les marques naturelles comme Mulato et surtout Couleurs Gaïa, qui a amorcé une grosse transition l’an dernier. Mais cette démarche touche aussi tout type de marque, même Kérastase y adhère. Il est vrai que le groupe L’Oréal a plusieurs fois testé l’approche. On se rappelle la dernière initiative sur les gammes naturelles Source essentielle, mais moins d’autres expérimentations déjà lancées il y a des années sur un marché qui n’était pas encore mûr pour le vrac ou le recyclage des flacons.

Une consommation en recherche de sens
La maturité du marché du naturel va-t-elle être entravée par la crise économique qui se profile ? Ce n’est pas l’avis de Patrice Mulato : « La dynamique, tout le monde la constate, en conséquence le marché du naturel est de plus en plus saturé : toutes les marques viennent sur ce secteur et souhaitent se faire une place, usant parfois du greenwashing en jouant sur les mots. Nous avons créé un guide pour accompagner nos clients et répondre aux questions des consommateurs. La vraie force de notre marque : la naturalité fait partie de nos valeurs et de nos engagements depuis notre création en 2007. » Si les salons 100 % naturels ne sont pas la norme, beaucoup de coiffeurs souhaitent y faire entrer au moins une marque, ou au minimum une gamme comme celle créée par Eugène Perma avant le Covid, Collections Nature. Et Benoît Bodineau, de Couleurs Gaïa, de constater simplement : « La dynamique en salon est là, allant jusqu’à booster un aspect où nous sommes traditionnellement moins performants en coiffure, la revente. Car les consommateurs entrent dans un système, une démarche globale et adhèrent. Nos clients réalisent en moyenne entre 10 et 15 % de leur chiffre d’affaires en revente, et jusqu’à 25 % pour certains ! Mais cela ne fonctionne que si l’on est cohérent et transparent dans les démarches. » La confusion des labels et des prétentions environnementales surexploités par tous introduit une certaine confusion qui inquiète peu les marques engagées depuis des années car, face à des consommateurs qui s’informent bien plus, les prétentions survendues de certains risquent de leur revenir comme un boomerang ! Reste que le marché est florissant pour des Aveda, Davines et autre Authentic Beauty Concept dont les approches environnementales sont clairement affichées depuis leur création, avec une augmentation constante de la part de naturel et des pratiques de production plus respectueuses.

L'efficacité n'est plus un frein
Reste le défi de l’efficacité des produits professionnels. Là se rencontrent deux grandes écoles bien rodées : les « plus de naturel possible », qui prennent le meilleur des deux mondes avec un taux de naturalité de plus en plus fort, souvent supérieur à 90 %, mais ne donnant pas le droit au label naturel ; l’autre clan regroupe les frères ennemis du naturel officiel, la limite étant légalement fixée à 95 % et plus. Ainsi, les marques ayant atteint ou s’approchant du 100 % regardent souvent leurs collègues « 95 % » avec un peu d’irritation, ces 5 % changeant beaucoup de choses ! Si la chimie de synthèse garde son intérêt, notamment du côté des conservateurs et pour la prise de la coloration, les naturels sont désormais aussi bons que les autres. Pas de déco naturelle évidemment, mais 100 % de couverture et une tenue ou des temps d’application qui n’ont plus rien à voir avec les premières générations de colorations végétales. Ce qui ne change pas, ce sont les protocoles techniques différents qui demandent une formation complémentaire aux habitués de la coloration classique. Un point presque aussi important que la qualité des produits.

Des typologies de clients très larges
Qui sont aujourd’hui les clients des salons naturels ? Presque tous les Français potentiellement, avec comme récompense pour les salons une grande fidélité des plus engagés. « Le Covid a été un accélérateur pour les consommateurs qui demandent des produits plus sains, » constate Benoît Bodineau. Cela tombe bien, déjà 100 % naturelle sur l’essentiel, la marque a achevé le passage aux 100 % en refondant ses coiffants qui gardaient une pincée de non-végétal ! « La double proposition naturel/classique est désormais la meilleure façon de se développer pour les salons, la partie naturelle, sans être majoritaire, portant la croissance, et pas seulement chez les jeunes, les femmes de 30 à 45 ans étant très friandes de coloration naturelle », constate de son côté Patrice Mulato. Enfin, en parallèle à l’argument naturel, l’autre point qui fait mouche concerne les circuits courts avec des usines et des sous-traitants proches quand cela est possible. Les marques proposant des colorations naturelles ne peuvent échapper à une origine lointaine des plantes tinctoriales mais pour les autres ingrédients, le made in France (et même made in Anjou pour Couleurs Gaïa !) ou le made in Europe dominent. Sur ce créneau, Eugène Perma assure aussi, avec une usine à Reims et une politique d’approvisionnement en circuit court. On le voit, la consommation écoresponsable est un sujet complexe mais éminemment porteur.



Toujours dynamique, le naturel ?
À l’heure où le bio connaît ses premiers revers sous la pression des hausses de prix, plusieurs segments gardent leur élan : le luxe paradoxalement, les gammes apportant un plus technologique, enfin le naturel et les marques écoresponsables. Les initiatives regroupant un ou plusieurs de ces créneaux tirent leur épingle du jeu ! Kérastase se lance ainsi dans le rechargeable, Marcapar change ses emballages, passant du plastique à l’aluminium, et s’engage sur du vrac à mélanger (évitant les conservateurs), Mulato joue la carte du recyclé et recyclable total. Enfin Couleurs Gaïa a déployé le vrac, générant une augmentation significative des reventes pour les deux tiers des salons équipés. Une étude Nielsen 2021 fait ressortir une attente d’information pour 75 % des clients, attentifs autant au recyclage des emballage qu’à la composition du contenu et prêts à changer de marque. Ainsi, 39 % consomment plus de produits hygiène beauté et entretien estampillés écologiques. L’émergence des produits solides va dans ce sens, avec un retour du pain de savon mais aussi des shampooings solides testés au moins une fois par 7 % des consommateurs, un taux qui a doublé en deux ans.

À LIRE AUSSI

So Pure et éco recharge pour Keune

Dimanche 26 mars s’est tenue salle Wagram à Paris la soirée de lancement de la nouvelle gamme So Pure pour Keune. les salons ont pu ainsi découvrir le concept d’éco-recharge. Mais la soirée c’était également un show coiffure réalisé par Robin Navarro-Harraga

Les Victoires de la Beauté naturelle

C’est un virage important qu’ont pris les Victoires de la Beauté depuis 3 ans, dont L’Eclaireur est partenaire, en mettant en avant la responsabilité environnementale comme critère essentiel. A noter cette année la Victoire décernée à l’équipe Les Secrets de Loly, sous la direction de Franck Brayard, pour le « Weightless Programm ».

Economiser l'énergie

La hausse des prix de l’énergie oblige chacun à revoir ses pratiques au salon. Tour d’horizon des aides et autres astuces malignes pour consommer moins à long terme. Les factures de gaz et d’électricité poursuivent leur hausse. Car si en 2022 le bouclier tarifaire a gelé les prix du gaz et limité à 4% la hausse de ceux de l’électricité, en 2023 ce sera 15%