Face aux nombreux client(e)s souffrant d’alopécie (accélération de la chute de cheveux), le coiffeur a toute légitimité pour conseiller, proposer des solutions, voire orienter la personne vers des spécialistes. Une occasion de plus de se positionner en vrai pro du cheveu !« Il est normal que les cheveux tombent ! » rassure d’emblée le docteur Hélène Krauze (médecin attachée aux Laboratoires Phytosolba). « Le cheveu pousse (phase anagène), meurt (phase télogène), tombe pour être remplacé par un autre. Le cycle de vie du cheveu dure de 3 à 5 ans, et le cheveu est programmé pour connaître environ 25 cycles. Alors que les autres poils du corps ont des cycles plus courts, mais nettement plus nombreux. » 25 cycles durant 3 à 5 ans, normalement, l’humain est équipé pour la vie entière… « Sauf que beaucoup de choses peuvent s’immiscer et dérégler cette belle mécanique, avertit Hélène Krauze. En effet, la division cellulaire est très rapide au niveau du bulbe pileux, c’est l’une des plus rapides de tout le corps. Le cuir chevelu a donc de gros besoins et subit directement l’impact de nombreux phénomènes. »
RÉACTIONNELLE… OU PAS ?
On distingue deux grandes formes d’alopécie : l’alopécie « réactionnelle » (liée à un événement, une situation particulière) et l’alopécie « androgénétique ».
L’alopécie réactionnelle peut être provoquée par une forte fièvre, un accident de voiture, une importante opération chirurgicale, un choc psychologique… « Les cheveux tomberont donc plus nombreux que d’habitude, parfois 200 par jour au lieu d’une cinquantaine. La chute sera la plupart du temps décalée dans le temps, car lorsque le cheveu meurt il met environ 3 mois à être éliminé », note Hélène Krauze. Cependant, en cas de très gros traumatisme, c’est le cheveu encore en phase anagène qui « décide » de tomber. « Dans ce cas, poursuit Hélène Krauze, la chute peut démarrer brutalement, quasiment dans la semaine qui suit le choc. » « De plus en plus, j’observe aussi les ravages du stress, chez les hommes comme les femmes : une cause importante de chute de cheveux », note Philippe Jumeau, directeur du salon Patrick Alès.
Citons également les chutes dites « saisonnières », qui touchent certaines personnes au printemps et en automne : « c’est un lointain vestige de la mue saisonnière de l’animal, qui change de pelage avec les saisons », sourit Hélène Krauze. Et plus simplement, le manque de sommeil, une alimentation déséquilibrée, ne plaident guère en faveur d’une belle chevelure fournie.
Autre cas, fréquent, de chute réactionnelle : celle qui suit un accouchement. Durant la grossesse, la femme est protégée par l’afflux d’hormones féminines, dont la chute brutale après la naissance cause aussi une perte de cheveux. Dans le même ordre d’idées, les variations hormonales, la période de la ménopause est délicate : suite à celle-ci, les femmes peuvent avoir une chevelure clairsemée, l’équilibre hormones féminines / masculines s’étant modifié. « Dans ce cas, l’alopécie qui s’installe était précédemment comme « empêchée » par l’activité des hormones féminines », précise le docteur Krauze. Enfin, un cas bien spécifique est celui des clients sous chimiothérapie.
L’alopécie androgénétique, elle, d’origine à la fois hormonale et génétique, se traduit par une raréfaction progressive de la chevelure, qu’on ne peut pas relier à un événement précis. Elle est évolutive, et si elle n’est pas traitée, devient définitive (les bulbes pileux meurent). Une constante : plus cette forme d’alopécie commence jeune, plus elle sera sérieuse. Elle concerne l’homme, bien sûr, mais aussi la femme, quoique de façon différente : l’homme « se dégarnit » sur les tempes, le dessus du crâne, pouvant devenir totalement chauve ; chez la femme, c’est souvent plus diffus (la raie qui s’élargit insidieusement…), mais bien réel. Au point qu’on peut se demander si c’est, chez elle, un phénomène en augmentation, ou si on en parle tout simplement plus. Sans doute un peu les deux. Bref, la femme devient un homme comme les autres.
RÔLE D’ALERTE
Du fait de son métier, le coiffeur est en prise directe avec les soucis de cheveux de sa clientèle. Il a donc là son mot à dire, en évitant bien sûr deux écueils : l’exclamation un peu angoissante et le non-dit. Il a l’œil du professionnel pour faire le distingo entre une chevelure simplement fine, et un souci d’alopécie. Quand faut-il s’alarmer ? « Selon la fréquence des lavages, il est normal de perdre des cheveux pendant le shampooing, nuance Philippe Jumeau. Ce qui m’inquiète plus, c’est lorsque les cheveux continuent à se détacher facilement après le shampooing, au passage du peigne. » Il compare l’implantation de la chevelure en fonction d’une ligne imaginaire reliant les deux oreilles : une zone plus transparente peut apparaître. « Le toucher du cheveu nous renseigne », note Marianne Gray (salons «Marianne Gray» à Paris et à Bruxelles). Le coiffeur dispose d’armes pour enrayer le phénomène : les formules élaborées par les différentes maisons de produits (voir encadré). « Je distribue aux clientes concernées le fascicule explicatif de la marque, explique Sophie Poiraudeau, responsable du salon « Murmures » à Nantes. Elles le lisent chez elles, ça mûrit, et souvent elles me demandent le produit à la visite suivante. » Pour Bruno d’Alberto (salon « D’Alberto » à Strasbourg), « les hommes sont en attente d’une vision précise, sur le moyen et long terme : ce qu’il faut faire, pendant combien de temps, pour quel prix. »
LE LASER AUSSI
Lorsque les produits ne suffisent pas, le coiffeur évoquera avec le(a) client(e) les autres possibilités : chevelure d’appoint, micro-greffes de cheveux… Le coiffeur peut se faire dépositaire de chevelures de remplacement, cela dit cette spécialité demande de s’y investir et de se former. Il peut aussi aiguiller le client vers un institut capillaire. Il existe également sur le marché un peigne laser qui ambitionne, entre autres, de lutter contre la chute des cheveux et de favoriser la repousse par l’utilisation d’un laser de faible puissance qui stimule le bulbe pileux. Deux marques se partagent le marché français. Le HairMax LaserComb, agréé par la FDA aux Etats-Unis, est disponible en direct sur le site internet, dans les centres capillaires type Norgil, mais aussi dans certains salons de coiffure, pour l’instant surtout à Paris et région parisienne. En effet, Lexington, la société américaine qui fabrique et commercialise le peigne, est tout à fait ouverte à sa vente en salon. « Les utilisateurs sont à 60 % des hommes et 40 % des femmes. Sur le plan international, ils affichent un taux de satisfaction de 93,5 % », précise Stéphanie Glenat-Abril, directrice marketing Europe de Lexington. Pour leur part, les instituts capillaires Hairfax (5 centres en région parisienne et un à Toulouse) proposent la brosse laser HairBeam.
Et puis, il y a les cas où il faut savoir passer la main. « Nous ne sommes pas médecins », souligne Marianne Gray. Or, parfois, l’intervention d’un médecin s’impose, et le coiffeur a alors pour rôle d’alerter et de guider le client. Mais où se situe exactement la ligne jaune ? Pour Philippe Jumeau, « dès que la chute est le reflet d’un dysfonctionnement interne, je passe le relais au médecin. Mais pour le savoir, il faut dialoguer avec le client. » « Nous, coiffeurs, pouvons apporter tout ce qui relève de la vascularisation, du massage, poursuit Marianne Gray. J’utilise beaucoup la microscopie : si je vois, au bout d’un mois de bon traitement, que le bulbe ne s’est pas gonflé, et ce, avec des prélèvements en plusieurs endroits, j’oriente la cliente vers le médecin : dermatologue, ou très bon généraliste ou homéopathe. » Bien loin d’être un aveu d’impuissance, cette attitude permet au coiffeur d’assumer son rôle de conseil jusqu’au bout.
LES ARMES DU COIFFEUR
Les fournisseurs se sont emparés du problème et donnent au coiffeur les moyens de proposer à sa clientèle des solutions à la chute de cheveux. En général, c’est un dispositif complet dont l’élément central est une lotion ou un sérum ; s’y ajoutent un shampooing, parfois des compléments alimentaires à base de vitamine B, zinc, etc. Ainsi, chez Kérastase, le produit phare est la lotion Intervention Antichute à l’Aminexil GL, soutenu par un Bain prévention et un soin antichute quotidien. La marque Secret Professionnel (Laboratoires Phytosolba) axe le dispositif sur deux produits : le Sérum Croissance (chutes ponctuelles) et le Complexe Antichute Régénérant (chutes sévères et persistantes) ; la marque propose aussi un shampooing Renfort, un massage avec Secret Botanique aux huiles essentielles, et les compléments alimentaires Zenitive. Démarche voisine chez René Furterer, avec les sérums Triphasic VHT (chutes progressives) et RF 80 (chutes réactionnelles), le Complexe 5 aux huiles essentielles, Forticea (shampooing stimulant) et les gélules Vitalfan en complément alimentaire. Chez Revlon Professional, les ampoules Intragen 5 sont au cœur du traitement ; la marque propose aussi un shampooing antichute et le Daily Tonic, un soin quotidien à utiliser entre deux cures d’ampoules. La société Complement’Hair propose des produits à positionnement « bio » sous la marque Capil’Actif : la lotion en spray Capil’Actif Antichute, le shampooing Cas de chute, et un spray préparateur du cuir chevelu Capil’Actif Stimulant. Les chevelures de remplacement et perruques Hair Forever sont également vendues en salon, s’il dispose d’une cabine. Enfin, chez Jean-François Lazartigue, la gamme antichute se compose du shampooing et du soin Stymulactine 21, d’un extrait placentaire aqueux qui favorise la pousse de cheveux plus solides, et d’un complément alimentaire dynamisant.
LES MOTS QU’IL FAUT
Pour aborder ce sujet délicat, surtout chez la femme, la formulation compte ! Philippe Jumeau : « Lorsque la personne n’en parle pas du tout, je glisse des phrases telles que : « Avez-vous remarqué davantage de cheveux sur l’oreiller ? » Marianne Gray, elle, évoque la « matière » : « Même avec une belle coupe, si la matière ne répond pas… » ou « Vos cheveux ont besoin de se régénérer. Le tout est de présenter les choses de façon intelligente et légère, poursuit-elle. Dire : « Je pense qu’on peut vous aider » avec un large sourire, ça passe très bien ! » A chacun sa personnalité : « Je suis assez directe, note Sophie Poiraudeau (salon « Murmures » à Nantes), et ça passe bien. Je demande : « N’avez-vous rien remarqué de particulier pendant le shampooing ? » ou « Perdez-vous vos cheveux un peu plus que d’habitude ? » « Je m’en tiens au langage professionnel, j’explique le cycle de vie du cheveu, explique pour sa part Bruno d’Alberto (salon « D’Alberto » à Strasbourg). Mais avant tout, si je vois que ce n’est pas un problème pour la personne, je ne vais pas plus loin ! » « J’ai la chance de travailler dans un salon où les clients sont demandeurs de conseil, et j’ai une certaine expérience, reprend Philippe. Je pense quand même que pour un junior, c’est moins facile d’aborder ces questions-là…»