Entre les problèmes d’alopécie et les traitements médicaux, nombreuses sont les personnes qui doivent trouver des solutions face à une chevelure plus que défaillante. Le marché du complément capillaire compte plusieurs acteurs très bien implantés, et d’autres plus récents. Et le coiffeur s’affirme comme l’un de leurs partenaires naturels…En France, contrairement aux pays anglo-saxons, le marché de la perruque « juste pour changer de tête » est très peu développé et connoté « années 70 ». « ça peut reprendre !, note Patricia Nivelet, directrice commerciale de Complement’Hair. Avec la mode des mangas, à Paris, on voit des filles jeunes avec des perruques… » « Nous voulons développer l’aspect « mode », ajoute Fana Gueye, directeur général de Natureal Paris.
QUELS PRODUITS POUR QUELS CLIENTS ?
Reste que perruques et chevelures de remplacement concernent avant tout les personnes victimes de soucis de santé : chimiothérapie, pelades… Certains fabricants lui ont dédié un service spécialisé, comme le « Label Santé » chez Elite, le « Partenariat Santé Beauté » chez NJ Diffusion, ou Hair Forever chez Complement’Hair. Any d’Avray s’est fait connaître en lançant, voici déjà près de 20 ans, un service complet de formation, partenariats avec des coiffeurs, etc., à l’intention de ce type de clients. Elle a même déposé le terme « chevelure d’appoint », qui lui appartient. D’autres produits répondent aux problèmes d’alopécie. Chez les hommes concernés, l’alopécie n’est pas diffuse, au contraire : il n’y a pratiquement plus du tout de cheveux sur une zone plus ou moins grande du crâne. Le complément prend alors la forme d’un produit « seconde peau » qui se « colle » sur le crâne (il s’agit bien entendu de colle médicale, de résines…) Le marché des compléments capillaires pour hommes existe mais est stable, et reste la plupart du temps l’apanage de clients d’âge mûr. L’image du produit n’est pas idéale dans le grand public : on pense à la fameuse « moumoute » ! Les représentations évoluent mais lentement, « grâce notamment à des hommes comme le judoka Angelo Parisi, un de nos clients, qui l’assume », note Gil Ménetrey, à la tête de Norgil. « La société légitimise un peu plus les artifices pour hommes : chirurgie esthétique, cosmétiques… », estime pour sa part Isabelle Anglade, directeur général d’Elite. Il n’empêche, les hommes de moins de 40 ans touchés par la chute des cheveux font souvent d’autres choix : une moitié environ l’accepte, car même si la mode Barthez est passée, l’alopécie masculine peut être bien vécue et gérée ; l’autre moitié se lance dans les soins, les traitements médicaux, voire la greffe de cheveux. Même Norgil, dont la clientèle est à 80 % masculine, a décidé de redynamiser son activité début 2008 en abordant le marché des chevelures de remplacement pour personnes en chimiothérapie, et propose aussi des solutions aux alopécies diffuses féminines.
Car les fabricants sont unanimes ou presque : le produit d’avenir, dont les ventes décollent, c’est le volumateur, surtout pour les femmes. Il s’agit d’une solution à l’alopécie diffuse, qui touche pour diverses raisons de plus en plus de femmes, après la cinquantaine ou parfois avant. « De plus, après un cancer, les médecins prescrivent de plus en plus souvent des traitements anti-rechute qui ont tendance à affaiblir le cheveu et rendent nécessaire la pose d’un volumateur », souligne Jérôme Nicot, pdg de la société NJ Création. En général, il s’agit d’une sorte de maillage ou de « filet » extrêmement fin, sur lequel sont implantés des cheveux synthétiques ou naturels. Le produit se fixe par des sortes de peignes-clips. L’intérêt, c’est que les clientes qui ont encore des cheveux, mais trop clairsemés, font passer ceux-ci à travers les mailles : ils viennent ainsi se mêler au complément pour, au final, obtenir une épaisseur tout à fait satisfaisante.
UN LARGE PANEL DE PROPOSITIONS
Globalement, l’évolution des produits est patente. Les fabricants tiennent d’ailleurs à utiliser des termes en adéquation avec cette hausse de la qualité. On parle de « fibre de synthèse » et non plus de « fibre synthétique », et de « fusion », d’ « intégration » ou de « deuxième peau » pour indiquer à quel point les procédés de fixation ont progressé… Un choix sémantique, mais qui correspond à une réalité.
Cheveux naturels ou fibre synthétique ? La plupart des marques offrent le choix entre les deux. « Personnellement, je prône la fibre de synthèse, souligne Patricia Nivelet, directrice commerciale de Complement’Hair. On la lave comme un lainage, sans s’embêter… Mais psychologiquement, pour de nombreuses femmes, opter pour un cheveu naturel est important. Elles ont le sentiment d’être « comme avant » !» La question du prix est déterminante : le cheveu naturel est bien entendu plus onéreux. Le boom des extensions a contribué à tirer vers le haut le prix du cheveux naturel : car à l’image du pétrole, c’est une ressource qui n’est pas inépuisable ! Plus la demande augmente, plus le prix monte. D’autre part, la question de l’approvisionnement (« offrandes » spontanées ou non ?) suscite des polémiques. Devant cet état de fait, Natureal, implanté depuis quelques mois sur le marché français, joue délibérément la carte du cheveu en fibre synthétique très haut de gamme. « Pour ma part, je trouve que le cheveu naturel très haut de gamme monte en puissance, notamment pour les chevelures d’appoint, estime Any d’Avray. Les clientes choisissent ces produits pour les remettre une fois guéries. » Bref, l’éventail des propositions s’élargit, tant les paramètres à prendre en compte sont nombreux : confort, budget, aspect… Lorsqu’Elite avait lancé un produit d’un prix équivalent au remboursement de la Sécurité sociale, l’événement avait même fait le « 20 heures » de PPDA. A l’inverse, certaines chevelures de remplacement dépassent les 3 000 euros.
Selon les fournisseurs, l’aspect purement médical représente une part plus ou moins grande de leur chiffre d’affaires. Mais, comme le souligne Isabelle Anglade pour Elite, « il n’y a pas la santé d’un côté, l’esthétique de l’autre. Lancer des produits en phase avec les tendances est une préoccupation croissante. » De plus en plus, les fabricants font appel aux coiffeurs pour styliser les produits. Any d’Avray est sans doute l’une de celles qui est allée le plus loin en la matière, en lançant de véritables collections, stylisées une année par Jean-Marc Maniatis, une autre par le coiffeur studio Bruno Weppe… « Les mannequins, jeunes, apportent un côté très naturel, explique Any d’Avray. Ces grands coiffeurs ont également formé mes franchisés à la stylisation d’une perruque.
LES COIFFEURS, PARTENAIRES NATURELS
La vente, la pose, l’entretien et la stylisation des compléments capillaires ouvrent de nouvelles perspectives aux coiffeurs. Car bien sûr, plus un produit est sophistiqué, plus il demande un suivi régulier : visite mensuelle chez le coiffeur ou à l’institut… Le budget pour le(a) client(e) peut s’étager de 150 à 300 euros mensuels, tout compris. Ces produits sont assez techniques, et demandent pour être bien appliqués une bonne formation. Les fabricants sérieux l’exigent d’ailleurs de leurs dépositaires. Pour la plupart des fournisseurs, la coiffure est l’un des canaux naturels de distribution. Ainsi, à côté de son réseau d’une douzaine de franchisés, Any d’Avray a conclu des partenariats avec des salons ; même démarche pour la marque NJ Création qui dispose de 5 instituts et est aussi distribuée en salon. Coiffeurs et prothésistes capillaires commercialisent la marque Elite. Les produits Complement’Hair sont vendus en instituts capillaires, en salons et dans les instituts Hairfax. Chez Natureal, on étudie, pour la distribution, un partenariat avec une marque déjà bien implantée sur le marché.
Reste que parfois, pour le coiffeur, cette nouvelle activité prend le pas sur l’autre. « La plupart de nos partenaires sont au départ coiffeurs, affirme ainsi Gil Ménetrey, président de Norgil. Ils ont démarré dans leurs salons… avant de se consacrer uniquement à l’activité d’institut capillaire, plus rentable, il faut le dire ! » « Au coiffeur qui souhaite aborder ce marché, je conseille de commencer par un concept de soin capillaire : produits, etc., note Patricia Nivelet pour Complement’Hair. Cela lui permet de se créer une image dans ce domaine, avant de se lancer dans le complément. » La formation est indispensable, car ces produits sont assez techniques. Il faut aussi une bonne dose de motivation et de psychologie, car cette activité met en contact avec des personnes dans des situations difficiles. Mais le coiffeur a toute légitimité pour aborder ce secteur d’activité !
LYCÉE ELISA LEMONNIER : UNE MENTION COMPLÉMENTAIRE DE PERRUQUIER-POSTICHEUR
Le lycée Elisa Lemonnier (Paris 12ème) a lancé en septembre 2007, en partenariat avec Any d’Avray, une « Mention Complémentaire Perruquier Posticheur Expert ». Elle s’adresse à des élèves déjà titulaires d’un diplôme dans la coiffure (CAP, BP, MC…), l’idée étant d’associer les deux compétences. La formation dure une année scolaire, dont 12 semaines de stage effectuées à l’Opéra Bastille, chez Any d’Avray, chez des artisans… Les débouchés se situent dans le milieu médical et dans le spectacle. Parmi les 5 élèves de la première promotion, l’une travaille aujourd’hui à l’Opéra Bastille, une autre a été embauchée chez un perruquier-posticheur. « Outre le diplôme de coiffure, souligne Catherine Levacher, l’une des deux enseignantes (avec Nicole Nédelec) responsables de la formation, il faut avoir une très bonne vue, et beaucoup de patience. » En effet, parmi les compétences enseignées, on compte la fabrication des postiches, en implantant un à un les cheveux sur des tulles très fins. Citons aussi le rétrécissement / agrandissement de compléments capillaires, la « tresse main » nécessaire à la fabrication des postiches, la prise d’empreintes pour adapter parfaitement une chevelure d’appoint au crâne… En juin dernier, la classe a participé au projet baptisé « Dix mois d’école et d’opéra » : chaque année, des enfants défavorisés s’initient à la danse et au chant à l’Opéra Bastille, clôturant l’année par un spectacle. Ce sont les élèves de MC qui les ont coiffés et ont placé leurs postiches. « Si l’on excepte une école privée de Rouen, il existe très peu de formations de ce type, et elles sont toutes privées et chères. Du coup, certains jeunes viennent de loin pour suivre notre MC, dans un lycée public qui plus est, souligne fièrement Catherine Levacher. Une de nos élèves vient d’Avignon, une autre d’Hendaye… »