Accros au Net et aux SMS, branchés mode, les «vingtenaires» ne s’en laissent pas compter, savent ce qu’ils veulent et surtout ce qu’ils ne veulent pas. Le look, et donc la coiffure, est au coeur de leurs préoccupations. Une bonne nouvelle pour commencer : les 15-25 ans retournent chez le coiffeur. Généralement présentés comme réfractaires aux salons, ils se laissent à nouveau convaincre. Pierre Chavat, ex-propriétaire de salons à Marseille, a créé avec sa compagne une structure de formation, «Art by P. and B.» et organise des shows et ateliers techniques pour le compte de Vitality’s : «est-ce la tendance aux looks plus glamour, plus étudiés ? En tout cas, ils ressentent à nouveau le besoin d’un travail de pro.» «Les émissions type Star Ac’, Nouvelle Star nous ont beaucoup aidés, juge pour sa part Franck Gaye (salon «Franck Gaye» à Soissons), car elles ont signé le début d’un renouveau de la coiffure jeune. On voit aussi de plus en plus de garçons et, fait nouveau, ils n’hésitent pas à pousser la porte du salon à trois ou quatre, entre mecs». «On a toujours eu des clients de cette tranche d’âge en salon, relativise Alexandre Pattein («Salon Y», avec Yves Katz, à Paris 11ème). La différence, c’est que les habitudes de consommation ont changé : au niveau sorties, vêtements, et aussi coiffure, les 15-20 ans veulent avoir accès de plus en plus jeunes à des boutiques et des marques «adultes». Des endroits qui, auparavant, ne s’ouvraient à eux que lorsqu’ils étaient bien plus âgés.»
Pour Richard Rousseau (salon «Richard Rousseau» à Angers), «c’est une tranche d’âge qui s’affirme, qui veut exister en tant que telle dans la société. C’est la génération «no logo» : I-Pod modèle réduit, jeans, Muteen... Ils ne se laissent pas faire : s’ils veulent qu’on ne coupe que 5 cm, ce sera 5 cm et pas plus.»
FRANGES ET EFFETS PLONGEANTS
Pour les filles, la frange reste incontournable et, mieux, s’impose. écoutons Yann Beyrie, directeur technique au salon Toni&Guy de la rue Tiquetonne (Paris 2ème), et formateur à l’Académie du groupe : «il y a 5 ans, la demande de franges pleines, droites, était réservée à une certaine avant-garde. Les autres se contentaient de franges sur le côté. Aujourd’hui, les filles se lâchent et n’ont plus peur de passer le cap : elles veulent toutes une frange pleine, et d’ailleurs, beaucoup de «people» en portent !»
Plus que jamais, l’heure est aux coupes pleines, géométriques. Alexandre Pattein (salon Y à Paris 11ème, avec Yves Katz) : «Les plus fashion plébiscitent le petit carré court, style Louise Brooks, porté avec une frange courte qui peut même être asymétrique, un peu comme lors des derniers défilés Chanel.» Les mèches retournées à la Madonna ont leurs afficionados. Sinon, c’est le grand retour des effets plongeants, qui permettent d’adoucir les carrés type Vidal Sassoon : carrés légèrement concaves derrière, arrière boule ou au contraire très plat, avec effet plongeant sur le devant... Les stylistes rivalisent d’imagination, l’idée étant de trouver le détail qui va moderniser l’ensemble et faire la différence d’avec la coiffure de la copine. On effile toujours, mais moins. «On travaille toujours la texture, explique Yann, mais de manière un peu moins visible, en préservant le cheveu plein, dessiné, en gardant plus de masse.» Pour Alexandre Pattein, «l’un des problèmes liés à cette tranche d’âge, c’est que plus les filles sont jeunes, moins elles acceptent de tirer parti de leur texture naturelle de cheveux pour se mettre en valeur. On essaie de les tirer tout doucement vers cela...»
PLAYMOBIL
Question coloration, après une époque où les couleurs vives et les contrastes type mangas tenaient le haut du pavé, l’heure est plutôt aux teintes évocatrices d’une base naturelle. Tout se joue dans le travail technique : zones, placements de lumière... Mais surtout, pas de mèches «en ligne», à la palette, trop connotées. «Les couleurs sont naturelles, et les techniques pointues», résume Yann Beyrie. «Elles sont déjà attentives au respect du cheveu, réclament une traçabilité au niveau des produits qu’on leur applique», remarque pour sa part Richard Rousseau. Génération développement durable ? «Ce qui est sympa aussi, souligne Franck Gaye, c’est de leur faire des extensions : elles adorent.»
Les garçons, de leur côté, portent le cheveu plus long. Si certains osent des looks très affirmés, avec un dessus de tête assez court, déstructuré, ou bien style dandy des années 50 (coupe courte et tour des oreilles bien marqué), globalement, le cheveu rallonge ; les coupes se font épaisses, pleines, «un peu à la Playmobil». «Pour moi, ce sont les petits-enfants des Rolling Stones !» s’exclame Richard Rousseau. Autre tendance : le tribal. «On l’a lancé voici quelques années, et vraiment, on en fait pas mal», souligne Pascale Faure («Océan Coiffure» à Creutzwald, en Moselle).
GÉOMÉTRIE VARIABLE
Quant au coiffage... C’est lui qui permet de sublimer les textures. Pour ces demoiselles, le «très lisse», résultat du travail aux plaques, amorce sa décrue. «On en fait de moins en moins», confirme Alexandre Pattein. C’est le retour d’un mouvement un peu plus prononcé, même s’il est éphémère, car obtenu grâce au brushing, aux produits, voire au fer à friser. Les vingtenaires, et parmi eux les garçons au premier chef, votent pour un coiffage simple («il faut que ça tienne toute la journée»), ludique, et surtout à géométrie variable. «La coupe doit permettre au moins deux coiffages différents, indique Pierre Chavat, par exemple un look sage pour se rendre à un entretien d’embauche, et un style plus «décoiffé» pour sortir le soir.» Des looks obtenus en respectant toujours placement naturel et implantation du cheveu. Car les modes de vie ont changé : on se lave les cheveux plus souvent, beaucoup de garçons se les mouillent quotidiennement sous la douche. L’idée est donc de tirer parti au maximum de la nature de la chevelure. Et ce mouvement n’est pas près de s’arrêter : selon Franck Gaye, ce sont aujourd’hui les filles en classe de 4ème, voire de 6ème, qui décident de personnaliser leur look le plus tôt possible...
FANS DE COIFFANTS
L les 15-25 ans, surtout les garçons, plébiscitent les produits de finition. Des coiffants, oui, mais pas n’importe lesquels. Le gel, autrefois très utilisé, est en perte de vitesse. L’effet «mouillé», beaucoup vu, a lassé, les effets mats ont désormais la cote. Au menu : pâtes, crèmes, cires, sprays... pour texturiser, donner du corps, jouer les différences de looks. «Pour cette cible, un packaging original, des produits de couleur attrayante, constituent clairement des plus», note Giorgio Giuliani, responsable de la marque Kemon pour la France, la Belgique et le Luxembourg. «Ils aiment jouer avec les produits, les combiner, bidouiller, en utiliser plusieurs à la fois pour faire évoluer les looks, détaille Richard Rousseau, un peu à la manière des trousses ou packages vendus chez Séphora.» Reste le frein économique, au moins pour ceux qui ne travaillent pas encore : «Les produits les attirent, mais ils restent dépendants des parents pour l’acte d’achat», a constaté Franck Gaye.
ADULTES... DÉJÀ.
Cette génération qui regarde vers le haut, pas question de la traiter différemment du reste de la clientèle. Bien sûr, un univers aux codes de la nouvelle technologie, ça plaît : «au salon, il y a Internet, la Play station, observe Alexandre Pattein, ils retrouvent sans doute un peu leur univers.» Franck Gaye, avec son salon «techno-chic» de Soissons, s’est fait connaître, en plus de son travail, par les shootings qu’il réalise dans la ville. Richard Rousseau a voulu créer un véritable univers : «je les ai photographiés dans des endroits qui leur correspondent (laveries automatiques, etc.), avec leur mode, je leur présente un book avec des images qui leur parlent...» Mais globalement, le mélange des générations ne les dérange pas, au contraire, ils le recherchent. Une offre personnalisée, c’est bien, si l’on ne s’essaye pas pour autant à singer leur langage ou leurs comportements, sous peine de ridicule. Pour Toni&Guy, Yann Beyrie observe : «on leur parle comme aux autres clients de ce qu’on va leur faire, c’est peut-être dans les termes employés qu’on adapte un peu.» Les références de cette génération avant tout visuelle ? La téléréalité et ses vedettes d’une saison, le Net, bien sûr, les «people», type Olivia Ruiz. Plus étonnant, certains coiffeurs citent des noms tels que Zazie ou Bénabar, qui ont largement dépassé la vingtaine... «Je n’ai jamais vu une jeune fille de 16 ans s’identifier ou vouloir ressembler à plus jeune qu’elle», justifie Alexandre Pattein. Pratiqués par certains, les tarifs «moins de 20 ans» ou «étudiants» ne font pas l’unanimité : pour Alexandre Pattein, «le «pas cher», c’est toujours trop cher si on n’est pas satisfait. Nous ne pratiquons pas ce genre de tarifs et ça n’empêche pas les jeunes de venir nous voir.»