Besoin de détente, de bien-être : le spa est à la mode. Fortes de leur expérience en matière de soins, les esthéticiennes ont massivement investi le créneau. Les coiffeurs nettement moins, pour l’instant... Et pourtant, en tant que professionnels de la beauté, ils ont aussi leur mot à dire. Pour peu qu’ils soient motivés et disposent d’un espace (étage, sous-sol) ou d’un local voisin. Ce qui peut rebuter, c’est que le terme de spa évoque immédiatement une vaste surface. Or ce n’est pas une obligation... Mireille Barreau est à la tête de Ressourcea, un cabinet situé à Mougins (Alpes Maritimes) et spécialisé dans l’accompagnement de projets du secteur thalassothérapie et spa : «si un spa vient en appoint de l’activité d’un salon, difficile de fixer une surface minimale... si ce n’est qu’il faut au moins deux cabines !» Mario Lopes, installé dans le 16ème arrondissement de Paris (voir encadré), s’est ainsi contenté des 45 m2 disponibles dans son sous-sol. Car si le spa fait forcément intervenir des prestations à base d’eau à un moment ou un autre, «c’est avant tout du service», souligne Caroline Marcoux, directrice de Coach Omnium & Spa (cabinet de conseil en développement basé à Nice, actif dans la thalassothérapie et le spa).
L’installation d’un spa démarre... par une bonne étude de marché. Quelle clientèle ? Quels concurrents ? Que puis-je apporter par rapport à mon coeur de métier ? En cas d’activité annexe à celle d’un salon, mieux vaut une certaine cohérence par rapport au positionnement de celui-ci : un spa se conçoit mieux dans un salon moyen ou haut de gamme, positionné sur un concept de détente, «zen»...
DE L’EAU OUI, MAIS COMMENT ?
Quels services proposer ? Bien sûr, plus la surface est petite, plus la nécessité de faire des choix s’impose. En particulier sur le plan de la prestation basée sur l’eau. Le plus simple dans une surface limitée est d’opter pour le hammam. Il existe des systèmes de «cabines-hammam» toutes équipées. L’avantage de la cabine-hammam, c’est qu’elle prend peu de place (à partir de 2 m2). «De plus, comme elle est individuelle, on peut y pratiquer des soins qui seront facturés», ajoute Caroline Marcoux. En revanche, le hammam «classique» (ouvert à plusieurs personnes) offre un espace de détente en «libre-service», où l’on peut passer le temps que l’on souhaite. Il est aussi plus gourmand en espace. Pour gagner de la place, l’endroit où la cliente se déshabille peut être intégré à la cabine. Sinon, il faut prévoir autour un espace, une sorte de sas. Différents types de douches sont aussi envisageables.
Attention à tout ce qui touche à la balnéothérapie, à manier avec des pincettes. Toute installation de bassin impose des contraintes techniques : arrivées d’eau, réserves d’eau chaude, chappe de béton si c’est en étage, étanchéité, entretien, déshumidification... «Les normes sont encore plus drastiques en matière de jacuzzi», souligne Mireille Barreau, «car à la différence des autres prestations de balnéothérapie, dans un jacuzzi, l’eau n’est pas changée entre chaque client.» De plus, inutile de proposer des équipements trop «basiques» à une clientèle qui, si elle est un peu aisée, risque fort de les avoir déjà chez elle. A éviter : les installations grand public. Il faut absolument investir dans du matériel professionnel !
BIEN CONCEVOIR SON ESPACE
Les autres cabines seront dédiées aux soins manuels (massages, gommages), soins esthétiques, prestations avec appareil (palper-rouler)... Mieux vaut deux ou trois cabines agréables que quatre trop serrées. Certes, il importe de varier les propositions, mais dans un petit spa, point trop n’en faut non plus ! Les «menus» de 50 à 60 services seront laissés aux «grands» spas. Pour une activité d’appoint, on peut faire appel à un(e) free lance pour les soins et massages. Un truc suggéré par Caroline Marcoux : «Pour rentabiliser, on peut organiser dans une des cabines des cours : yoga, sophrologie... A condition, bien sûr, qu’il n’y ait pas trop de concurrence proche !»
Plus l’espace est réduit, plus il importe de tout prévoir. Ainsi, si le spa est intégré au salon, il faut bien réfléchir à la circulation, à la transition entre les deux espaces. Généralement, ça se fera dans le sens spa - coiffure. Attention également à prévoir le rangement du linge... et un petit labo si les prestations réclament des préparations à réaliser sur place.
Question design : «il ne faut pas surcharger en messages, photos, etc. un espace limité», avertit Mireille Barreau. «Car le spa est destiné à se relâcher, il est important que la personne trouve sa place sans être trop stimulée.»
Le cabinet Coach Omnium & Spa a mis au point trois formules selon la place dont on dispose, avec trois design différents (soit neuf propositions au total). Cela démarre avec une surface de 130 m2 : «Dans ce cas, on prévoit quatre «centres de profit», développe Caroline Marcoux, c’est-à-dire quatre cabines de soins, l’une d’elles pouvant être une cabine-hammam et/ou une cabine où l’on donne des cours, plus un espace de détente (hammam s’il n’y a pas de «cabine-hammam», jacuzzi...)» Deux variantes existent, pour des surfaces de 210 m2 et 330 m2. Quant aux parti-pris esthétiques, le choix se fait entre trois ambiances : «contemporaine» (sobre, épurée), «tropicale» (bois, végétation...) et «orientale» (style marocain, mosaïques...). Ce ne sont que des bases de départ, les propositions étant bien sûr adaptables selon les objectifs du responsable du spa et la superficie dont il dispose.
QUESTION «GROS SOUS»
Au niveau du coût d’installation, «hors gros oeuvre (murs, toit...), je l’estime à 2 000 à 2 500 euros le mètre carré. En sachant bien entendu qu’il y a des économies d’échelle...», juge Caroline Marcoux. C’est-à-dire que plus c’est petit, plus c’est cher au mètre carré. Mireille Barreau, pour sa part, raisonne selon la destination des surfaces. «Je distingue les zones sèches, telles que l’accueil ; les zones «sèches sensibles», destinées à des soins «secs» ; les zones humides, comme le hammam par exemple ; et très humides (bassins)...» Plus la zone est humide, plus c’est cher au mètre carré. «Pour un agencement basique, on peut compter de 1 500 euros le mètre carré en zone sèche à 4 000 en zone très humide (et bien plus pour un résultat très sophistiqué)», poursuit Mireille Barreau. Donc, tout dépend aussi de la place réservée aux divers espaces.
Concernant le retour sur investissement, comme pour toute activité commerciale une étude prévisionnelle pointue est nécessaire pour fixer ses tarifs, en tenant compte avant tout du temps passé à chaque prestation. Un tarif souvent avancé est de 1 euro la minute, soit 60 euros l’heure. «C’est un peu la base pour arriver à gagner de l’argent», juge Mireille Barreau, «sachant que certains lieux «haut de gamme» vont jusqu’à 100 euros l’heure.»
Pour la revente de produits, «30 % est un idéal, sachant qu’il est rarement atteint en France», note Caroline Marcoux. «Pourquoi ne pas vendre de petits objets en lien avec les prestations dispensées : gants de loofa... ?» suggère Mireille Barreau. Cela dit, la revente n’est pas une obligation dans le cas d’une activité d’appoint, du moins au commencement.
Décidément, la taille ne fait pas tout. «Regardez Tony Parker», conclut en souriant Caroline Marcoux : «pour un joueur de basket, il n’est pas très grand de taille... il est grand par le talent
HISTOIRES D’EAU
Le terme de «spa» fait fureur. Mais sait-on vraiment ce que c’est ? En fait, pour qu’une installation mérite ce nom, il faut qu’elle comporte des soins à base d’eau. Car «spa» vient du latin «Sanitas Per Aqua», «la santé par l’eau». Donc, l’eau est incontournable... mais peut prendre diverses formes. La forme liquide est celle à laquelle on pense spontanément : jacuzzi, bassins divers... Mais l’eau peut être présente sous forme de pulvérisation, avec divers types de douches : à fusion (rampe de douches avec une progression en intensité et température), à expérience (parcours polysensoriel)... Ou de vapeur, avec le hammam ou le sauna. Voire sous forme solide, avec les igloos ou «fontaines de glace», où l’on plonge après le sauna... Quant aux endroits ne prévoyant que des soins «secs», méfiance... ce ne sont pas des spas !
CHEZ MARIO LOPES : MON SALON, MON SPA…
45 m2 : c’est l’espace dont Mario Lopes disposait pour installer son spa, au sous-sol de son salon situé dans le 16ème arrondissement de Paris. «Ce projet s’est concrétisé voici un mois. Cela dit, dès la création de mon salon il y a 3 ans, j’avais cette idée d’espace spa», confie-t-il. Ce qui a facilité les choses, puisque les arrivées d’eau et d’électricité ont été installées d’emblée. Son spa comprend trois cabines. Une cabine-hammam est équipée d’une douche massante («on peut cumuler la chaleur du hammam avec la fraîcheur du jet d’eau»). Une autre est réservée aux soins esthétiques «classiques» du visage et du corps, et la troisième est dédiée aux massages. «C’est une esthéticienne spécialisée dans les massages qui officie : la cliente a le choix entre des propositions très variées, massages d’inspiration asiatique, africain, ayurvédique...» Pour l’instant, Mario Lopes ne vend pas de produits liés au spa mais y songe. «Bien sûr, dans l’idéal mon spa doit être rentable aussi, mais ma démarche est avant tout d’apporter un plus à mon salon pour conserver et accroître ma clientèle. Vu la concurrence croissante, il faut se démarquer.» Pour fixer ses tarifs, Mario s’est attaché au temps passé. A part quelques prestations très spécifiques, les services sont facturés sur la base d’un euro la minute. «Pour moi, il y a un vrai marché pour le coiffeur, à condition que son concept corresponde un minimum à «l’esprit spa», zen et détente», avertit Mario. «S’inscrire dans une certaine continuité, c’est indispensable pour être crédible !»
L'Eclaireur