Le préalable à toute création, c'est bien sûr une étude de marché rondement menée. De bonnes infos, pêchées au bon endroit, mixées avec une observation attentive de l'environnement, le tout arrosé d'un peu de flair... et voilà ! A l'heure de réaliser son étude de marché, plusieurs solutions s'offrent au coiffeur, surtout lorsqu'il n'est pas épaulé par une grande enseigne : faire appel à une société spécialisée à qui il délèguera cette tâche ; se tourner vers des partenaires de la profession tels que le Cegeco, qui peut réaliser pour lui étude de marché et compte d'exploitation prévisionnel...ou bien la faire tout seul comme un grand !
1 - TROUVER LE BON EMPLACEMENT
Adéquation du concept au lieu, observation des flux de circulation, des commerces déjà implantés... autant de points incontournables !
On connaît la phrase : "les trois critères de réussite, c'est d'abord l'emplacement, ensuite l'emplacement, enfin l'emplacement !" Sans doute vrai, mais qu'entend-on au juste par emplacement ? Grosso modo, selon les villes, les fonds de commerce se répartissent comme suit : le Triangle d'Or (dans certaines grandes villes), les emplacements dits "numéro un" (principales rues commerçantes, dans le centre), parfois "un bis" (un peu moins bons mais toujours intéressants), "numéro deux" (rues adjacentes ou perpendiculaires aux rues principales), "numéro trois" (périphéries ou villages avoisinants). L'appui d'un agent immobilier compétent est déjà un précieux atout pour vous aider à définir dans quelle catégorie se range le ou les emplacements qui vous intéressent.
Mais attention ! En soi, aucune catégorie n'est supérieure aux autres... il faut juste s’assurer que le concept qu'on a choisi y est parfaitement adapté. Ainsi, un environnement type habitat social à forte densité de population s'accordera plutôt, on s'en doute, à un concept fondé sur un afflux de clientèle important et des prix serrés. D'une façon générale, le prix au m2, à la location ou à l'achat, donne une bonne idée du type de population rencontré. A étudier aussi : la présence d'immeubles de bureaux dans les parages. Certains salons en tirent une grande partie de leur clientèle. Il faut juste être conscient que les plages de fréquentation seront alors un peu spécifiques : beaucoup de monde à l'heure du déjeuner, peu le samedi...
Même si nombre de coiffeurs aiment à souligner qu'une partie de leur clientèle fait de nombreux kilomètres pour venir les voir, les faits montrent que pour la plupart des salons, une forte partie de la clientèle se recrute à proximité (qu'elle travaille ou vive près du salon). Dans le centre d'une grande ville, la zone de chalandise prise en compte est de quelques centaines de mètres, en périphérie ou petite ville, de un à plusieurs kilomètres.
Mais l'étude de l'emplacement ne se résume pas à cela. Il faut bien prendre en compte les flux de circulation : automobiles, mais aussi, dans les grandes villes, de transports en commun. L'emplacement qui vous intéresse est-il facile d'accès ? C'est un point fondamental. Tout en tenant compte des spécificités locales : se situer pile à un arrêt de bus, comme l'avait décidé un coiffeur, n'est pas forcément intéressant si on se situe dans une petite commune où seuls prennent le bus les très jeunes et ceux qui n'ont pas les moyens d'acheter une voiture. Alors que dans la capitale, par exemple, le bus n'est pas du tout connoté de la même façon.
Il faut aussi tenir compte, en province et dans les périphéries des grandes villes, de la possibilité de se garer facilement. "Enfin, on sera attentif à la présence de commerces qui créent du trafic et attirent le chaland : boulangerie, pharmacie, banque...", souligne Thierry Gabarot, consultant indépendant et responsable des stages de management pour le compte d'Eugène Perma.
2 - POPULATION : CHERCHER L'INFORMATION
Primordial : tenter de cerner les futurs clients. Ou comment une étude de marché tient aussi de l'enquête !
"Quand j'aide un coiffeur à faire son étude de marché, nous faisons appel à Proscop, une société qui délivre des indicateurs de "richesse vive" sur la zone qui intéresse le professionnel", ajoute Thierry Gabarot. "Nous pouvons aller jusqu'à faire l'étude d'implantation, précise Claudine Colon, responsable des études grand public chez Proscop (Paris). Mais pour ceux qui préfèrent la réaliser eux-mêmes, nous établissons des indicateurs de consommation pour une famille de produits donnée sur une zone donnée en confrontant les caractéristiques de la population locale à des profils nationaux de consommateurs. Pour ce faire, nous utilisons les éléments fournis par le recensement, qui donnent une vision assez précise d'une population en termes de logement, d'âge, de catégories socio-professionnelles..." L'idée est en fait d'estimer dans quelle mesure la population de telle ou telle ville, d'après ses caractéristiques, sera consommatrice de services coiffure (par exemple). Si l'indice est de 1, cela veut dire qu'elle a un potentiel de consommation de coiffure identique à celui de la population française moyenne ; au-dessus, à 1,20 par exemple, qu'elle consommera sans doute 20 % de plus... Et tout ceci repose sur des modélisations mathématiques. Bref, un indicateur intéressant, utilisé par des coiffeurs indépendants ou des groupements, et vendu à des tarifs tout à fait accessibles (quelques dizaines d'euros).
Ne l'oubliez pas : en cherchant un peu, nombreuses sont les sources d'information gratuites ou quasiment gratuites.
Il suffit d'y consacrer un peu de temps. "Allez à la mairie, conseille Philippe Grosjean, directeur adjoint de la société de formation Pilotis. Là-bas, les services de développement économique ou d'urbanisme seront de précieux interlocuteurs." Intéressant à consulter : le POS ou "plan d'occupation des sols", accessible à tout citoyen. Toutes ces démarches vous permettront de savoir quels sont les projets en cours : construction de logements, implantation d'immeubles de bureaux, etc. "Autres interlocuteurs : le Conseil général, voire régional, et aussi la Chambre des métiers et la Chambre de commerce", poursuit Philippe Grosjean. Autant de mines d'information qu'il serait dommage de négliger !
Enfin, rien ne remplace l'intuition du professionnel, qui en allant sur le terrain, plusieurs fois, à des heures de la journée différentes, observant le passage, peut "sentir" l'environnement.
3- ETUDIER LA CONCURRENCE
Et pour finir, un zoom sur la concurrence ! Indispensable pour savoir si une place est encore à prendre.
Combien de salons se trouvent déjà dans la zone de chalandise visée ? Combien comptent-ils (environ) de collaborateurs ? Quel est leur positionnement ? "En 2003, ajoute Thierry Gabarot, d'après l'Insee la femme a dépensé en moyenne 211 euros dans l'année chez le coiffeur. Il faut se demander : ici, combien serons-nous à nous partager le gâteau ? Tout en sachant que ce chiffre est une moyenne qui varie beaucoup selon la "richesse vive" de la commune." "Personnellement, je conseille de faire un tableau en y reportant les salons déjà implantés et en y listant leurs points forts et leurs faiblesses", explique Philippe Grosjean. Et pourquoi ne pas envoyer une cliente mystère chez le concurrent qui semble le plus menaçant ? Ne cherchez pas forcément à les imiter, soyez-vous même, en jouant la différenciation (bien sûr si votre concept est cohérent avec la zone de chalandise). Il ne faut pas pour autant fuir la proximité de ses concurrents. "Contrairement à ce que l'on pense, poursuit Philippe Grosjean, être assez proche d'autres salons n'est pas forcément négatif, cela génère du trafic de personnes intéressées par le service coiffure." Comme l'indique l'exemple des magasins de meubles regroupés, à Paris, rue du Faubourg Saint-Antoine.
Bien sûr, l'étude de marché sera ensuite complétée par une analyse d'ordre financier, avec le plan de financement, le compte prévisionnel d'exploitation sur 3 ans... mais ceci est une autre histoire
PHILIPPE TRAMOND : "RIEN NE VAUT LE TERRAIN"
Les trucs pour dénicher le bon emplacement
Le directeur général de Pilotis (organisme de formation assurant des stages de formation pour le compte de L'Oréal Professionnel) nous confie des trucs qui aident à prévoir, quand on se rend sur le terrain, si un salon va fonctionner... ou non !
"Si on hésite entre plusieurs emplacements, on se place devant ceux-ci pour analyser les flux, pendant une heure, à différents moments de la journée, armé d'une feuille et d'un stylo. Et on coche... tous les passants que l'on voit !
Variante: selon la clientèle visée, on ne coche que les personnes qui sont dans la cible (jeunes, femmes actives...) Bon plan : se faire aider pour cela d'une "junior entreprise" (dans les écoles de commerce, elles rassemblent les étudiants qui font leurs premières armes dans le monde du travail).
Avez-vous remarqué que dans chaque rue, quelle que soit la ville, il existe un trottoir plus "porteur" que l'autre ? Il paraît plus fréquenté, on y trouve davantage de points de vente, les commerces y sont en général plus beaux... A quoi cela tient-il ? Un meilleur ensoleillement, le sens de la circulation... c'est difficile à dire, mais en tout cas, sur une rue donnée, il faut découvrir ce "meilleur côté".
Enfin, rien ne vaut "radio trottoir" : pour sentir l'ambiance d'un quartier, je conseille de faire le tour des commerces environnants (bien sûr, de préférence pas des coiffeurs...) pour savoir quelle est la perception du responsable. Attention ! Pour avoir une vue d'ensemble, il faut rencontrer jusqu'à 10 ou 15 personnes, chacun ayant tendance à prendre ses propres impressions pour une vérité générale."
TEMOIGNAGES
BRUNO FLAUJAC : "JE FAIS MES ÉTUDES DE MARCHÉ MOI-MÊME"
Sens de l’observation et recherche de l’information
A la tête de 12 salons dans la région de Toulouse, Bruno Flaujac a pour habitude, lorsqu'il crée une affaire, de réaliser lui-même son étude de marché. Il a accepté de nous dire comment il s'y prenait. "J'observe d'abord combien il y a d'habitants autour de l'emplacement envisagé, et combien de salons. "Autour" du salon, c'est pour moi à peu près 500 mètres s'il est dans le centre de Toulouse, et 5 kilomètres maximum s'il est situé dans une petite ville de la périphérie (sachant que c'est dans le premier kilomètre à la ronde que l'on trouve le plus grand vivier de clients potentiels). Pour moi, il faut environ 1 500 habitants par salon. Puis je vais à la mairie : c'est une mine d'infos ! D'ailleurs, c'est ce que font en général les sociétés de marketing qui vendent à prix d'or leurs études. On y apprend comment va évoluer un quartier, si des immeubles vont être construits, si un supermarché va ouvrir... Par exemple, je viens de créer un salon dans une petite commune près de Toulouse qui compte 4 000 habitants : avec le mien, on arrive à 4 salons, ce qui fait un peu beaucoup selon mes critères. Mais j'ai ouvert quand même, car je sais que dans les 5 ans qui viennent, le nombre d'habitants va doubler ! J'observe les possibilités de parking, les commerces présents : une banque, une boulangerie, un petit supermarché... cela fait de la vie et incite les gens à s'arrêter. Bon plan : les ZAC (zones d'habitat concerté). Il y est prévu que la construction de logements s'accompagne forcément d'une zone commerciale. But : éviter les cités dortoir. On crée alors une sorte de village, c'est intéressant de s'y installer."
L'Eclaireur