Souvent décriés et/ou craints dans la profession, les coiffeurs à domicile représentent néanmoins un segment de marché bien réel. D’autant que leur nombre et leur champ d’action explosent. La France comptait 10 193 établissements de coiffure à domicile (CAD) contre 8 271 un an plus tôt. A cela viennent s’ajouter les quelque 8 000 coiffeurs à domicile salariés par des entreprises spécialisées dans les services à la personne (Viadom, Groupe Lefrançois, Domicile Beauté, Pro Cades…). Soit un total de coiffeurs à domicile de l’ordre de 18 000 professionnels répartis sur le territoire français. Mais en dehors des chiffres, il est un autre signe qui ne trompe pas et qui atteste de la bonne santé de ce créneau : c’est le changement de ton de la Fédération nationale de la coiffure (FNC). Car après avoir longtemps considéré la coiffure à domicile avec méfiance, la FNC ouvre grand ses portes à ses professionnels. Outre un tarif d’adhésion dédié, les artisans coiffeurs à domicile se verront proposer, à la rentrée prochaine, des formations spécifiques pour leur métier. « Ils pourront par exemple suivre des formations à la psychologie des personnes âgées ou handicapées », déclare ainsi Isabelle Roy, directrice du département Qualité et développement économique de la Fédération, qui explique l’explosion de cette activité par la conjugaison de plusieurs facteurs. D’abord la bonne tenue du marché de la coiffure en salon. En 2007, la France comptait 55 798 salons, soit une progression de 1 338 salons en un an (+2,5%). Seconde explication : le boom des services à la personne. En effet, même si elle ne rentre pas dans le plan Borloo (donc pas de TVA réduite, ni d’avantages fiscaux), la coiffure à domicile est considérée comme un service à la personne. « Cela révèle un changement de mode de consommation et cela répond à une nouvelle clientèle, plus uniquement rurale et âgée, mais de plus en plus urbaine et familiale », constate Vincent Lefrançois, le dirigeant du groupe de coiffure à domicile éponyme. Outre les pensionnaires de maisons de retraite, la clientèle des coiffeurs à domicile se situe de plus en plus dans les foyers avec enfants où les femmes travaillent, sur les lieux de travail et de villégiature.
ARTISANAT OU SALARIAT
Deux types de statut cohabitent : l’artisanat et le salariat. Selon la FNC, les créateurs d’entreprise de coiffure à domicile sont à plus de 90% des … créatrices. Des femmes qui ne veulent plus travailler en salon, qui ont le brevet professionnel, qui souhaitent s’installer mais qui n’ont pas les moyens financiers pour créer ou reprendre un salon de coiffure. La mise de départ pour se lancer sur ce secteur est de l’ordre de 2 000 euros, incluant l’équipement matériel et le stock produits de départ, sans compter le véhicule et le téléphone. Autre motivation de ces coiffeurs à domicile : l’autonomie et l’organisation maîtrisée de leur temps de travail. Revers de la médaille de ce plus grand équilibre vie privée/vie professionnelle : des revenus en baisse. Selon la Fédération des centres de gestions agréés (FCGA), le chiffre d’affaire moyen d’un exploitant de coiffure à domicile est de 27 872 euros HT, générant un résultat de l’ordre de 10 000 euros annuels pour les entreprises individuelles. Ramené à un mois, cela revient à un salaire de 833 euros. Les coiffeurs à domicile optant pour le statut de salariés se retrouvent, eux, dans la situation de travailler pour des prestataires de services à la personne comme Viadom (le leader, qui n’a pas souhaité répondre à nos questions), le Groupe Lefrançois (son challenger) ou encore Domicile Beauté ou Pro Cades... Recrutés sur diplôme (CAP Coiffure minimum) et avec 2 à 3 ans d’expérience, ces coiffeurs sont majoritairement des femmes embauchées en CDI à temps partiel. La plupart du temps, à mi-temps. « Nous mettons notre outil de géomarketing à leur disposition pour gérer le recrutement de leur clientèle », explique Vincent Lefrançois. A elles, ensuite, de gérer la prise de rendez-vous et d’assurer la prestation. « Comme le stipule la convention collective de la profession, les coiffeurs à domicile ont également obligation de remplir une fiche détaillant leur horaires et les prestations réalisées. Ils doivent également la faire signer au client », précise Isabelle Roy, de la FNC. Pour les tarifs, rien ne leur est imposé. Du moins en théorie. «A leur embauche, nos coiffeuses à domicile nous soumettent une grille de tarifs que nous validons ou pas. Et ensuite, chaque année, nous leur proposons de revaloriser de 1 à 3% ces tarifs », détaille Olivier Zagdoun, gérant de Domicile Beauté.
DES RÉMUNÉRATIONS FAIBLES
En moyenne, les tarifs de la coiffure à domicile sont inférieurs de 10% à ceux de la coiffure en salon. Côté rémunérations, les coiffeurs à domicile salariés perçoivent un salaire fixe et une commission sur leur chiffre d’affaire. Dans le Groupe Lefrançois, en plus du fixe, les coiffeuses touchent une prime indexée sur le chiffre d’affaires réalisé, sur leur bonne organisation et sur la vente de produits capillaires. La prime varie entre 34 et 39 % du CA brut. Autre exemple chez Domicile Beauté : cette fois, la prime au résultat oscille entre 49% et 58 % net sur le CA HT (49% jusqu’à 1 524 euros de CA / mois, 52 % pour un CA compris entre 1 525 et 2 744 euros, et 58% si le CA est supérieur à 2 744 euros). A cela s’ajoute 12% sur la vente de produits capillaires. Difficile d’estimer le salaire mensuel de ces coiffeuses car les employeurs rechignent à donner le montant du salaire fixe. Tout juste sait-on que chez Domicile Beauté, le nombre de clients par coiffeuse oscille entre 26 et 150 clients par mois, avec un ticket moyen aux alentours de 22 euros. Alors, que faut-il penser de ce créneau visiblement en plein essor ? Difficile de trancher car tout dépend du territoire choisi pour son activité. Pourtant, il semble important de noter que si le nombre de créations d’entreprises de coiffure à domicile a largement augmenté, les radiations sont aussi très nombreuses. Souvent dans les 18 mois suivant le lancement de l’activité. Par la suite, ces indépendants postulent d’ailleurs souvent à des postes de coiffeur à domicile salarié chez les grands noms de la coiffure à domicile. Des entreprises qui, elles, se portent bien. En 2007, le CA du Groupe Lefrançois a augmenté de 9% pour atteindre 4 millions d’euros, pour un résultat net de 230 000 euros. Domicile Beauté revendique pour sa part 1,9 millions de CA en 2007 contre 1,7 millions en 2006. Affaire à suivre
L'Eclaireur