Au salon, c’est comme en amour : la routine, ça tue ! Voici des trucs pour dynamiser la créativité des équipes. Des idées à adopter... ou adapter Pour Mickaël Zanzouri («Esprit Design» à Toulouse), «l’environnement, l’organisation de l’espace, ça joue énormément sur la créativité». Dans son salon-institut de beauté de Toulouse, Mickaël a pris le parti d’opacifier la vitrine, pour préserver l’intimité des clientes, et surtout d’installer des cabines individuelles. Résultat : «une relation plus personnalisée entre le coiffeur et la cliente, et donc plus créative.»
SALARIÉS : TECHNIQUE ET ÉCHANGES
«Je recrute toujours des salariés performants techniquement, car ils peuvent ainsi dépasser, «digérer» leur technique pour l’oublier, signale Eric Roman (salon «Eric Roman Emoi», Paris 8ème et Nîmes). Contrairement à ce qu’on croit parfois, la technique n’est pas l’ennemie de la créativité, mais son alliée : plus on est sûr de soi, plus on se lâche», approuve Mickaël Zanzouri. D’où l’importance des stages et autres formations.
Pour garder un oeil neuf, rien ne vaut un peu de recul. Guy Postec («Le Salon» à Quimper) a instauré un échange de salariés avec des confrères dont il se sent proche, comme Marc Bessonne à Marseille : «on a des salons qui se ressemblent, avec des collaborateurs passionnés, qui bougent beaucoup...» à plusieurs reprises, un salarié de l’une des affaires est allé passer quelques jours dans l’autre salon, hébergé chez l’un ou l’autre. «Cela fait un certain temps que nous ne l’avons pas fait, surtout pour une question juridique : on s’est rendu compte que cet échange posait problème en cas d’accident du travail.» La législation française n’est pas forcément propice aux initiatives... Cela dit, pour ceux qui veulent tester la formule, des pistes existent pour la protection sociale, comme souscrire une assurance spécifique ou, si le responsable «accueillant» est formateur, considérer le salarié comme en formation. L’intérêt ? «Même si Marc Bessonne et moi travaillons dans le même esprit, clairement nous avons chacun notre «marque de fabrique». Chacun de nous a choisi des marques «de niche», réalise des travaux spécifiques... Ainsi Marc utilise le henné, ce que je fais peu, et vu sa région, il fait tout un travail sur les brunes.» Les salariés reviennent donc boostés, pleins d’idées nouvelles.
ACCUEIL : C’EST TOUJOURS LA PREMIÈRE FOIS
Chez «Coiffeurs en scène» (Lyon), plus de diagnostic, on parle de «concertation-conseil». Un simple jeu sur les mots ? Pas du tout, selon Cristo B., directeur du salon et de l’Académie. «Le diagnostic, ça a une connotation presque médicale : les cheveux sont-ils gras, secs, fins... ? Nous, ce qu’on cherche à savoir, c’est ce que la cliente souhaite exprimer à travers sa coupe de cheveux, si elle opte pour une image classique, tendance, voire intrépide...» Et pour cela, à chaque fois, le coiffeur passe quelques minutes avec la cliente, sans peignoir, en face à face, autour d’un thé. «On lui parle de ses aspirations, de ce qu’elle aime ou n’aime pas, on lui pose des questions ouvertes...»
Même parti-pris au salon Y (Paris 11ème, Alexandre Pattein et Yves Katz) : là, la cliente est carrément installée au bar. «Cette prise de contact n’est pas axée uniquement sur la coiffure, insiste Alexandre Pattein, et elle se fait à chaque fois, même pour celle qui vient tous les 8 à 10 jours pour un brushing. On discute, on plaisante... Sur le bar, il y a toujours quelque chose à grignoter. Selon ses envies elle peut regarder des photos sur le Net, faire une partie de Play Station...» But : casser le côté «direct le peignoir sur les épaules». Bien aussi : les diagnostics à 3 (coiffeur, coloriste, cliente).
PRESTATION : QUI FAIT QUOI ?
Comme d’autres (Thierry Ardry et son salon «Nade & Thy» à Vesoul), Cristo B a supprimé lors de la prise de rendez-vous la question rituelle : «Qui vous coiffe ?». «On demande à la cliente si elle a une préférence pour un niveau de styliste (les tarifs diffèrent selon l’expérience de chacun), ou pour une personne...» Mais la porte reste ouverte, et la cliente se sent ainsi plus à l’aise pour demander quelqu’un d’autre. Objectif : bien sûr, renouveler le regard que l’on porte sur une femme. Dans les deux salons «Philippe Gonay» (Lille et Tourcoing), une phrase est bannie : la sempiternelle «Je vous fais comme la dernière fois ?». L’idée est «d’aller toujours un peu plus loin», note Jean-Jacques Doolaeghe, le complice de Philippe Gonay. Encore plus radical : «chez nous, pas de fiche technique où serait notée la formule de la couleur», affirme Cristo B. Bien sûr, il n’est pas question de transformer la cliente à chaque séance. «A chaque fois, on rebondit et on s’inspire de ce qui a été fait lors du rendez-vous précédent, mais des détails changent.» Patrick Millande conseille aussi de faire varier certains produits, pour des résultats différents.
«MOMENTS» ARTISTIQUES
«On a emmené toute l’équipe à Londres pour le Beauty Hair Show, souligne Jean-Jacques Doolaeghe, ce qui nous a permis de choisir les formations que nous voulons suivre cette année. On délègue aussi nos activités «studio», des collaborateurs y vont parfois à notre place.» Guy Postec («Le Salon» à Quimper) : «je suis formateur, parfois les collaborateurs réalisent avec moi les formations.» Certains salons, tels Francis L.Rhod, ou «Carré d’Art» à Reims, organisent des concours entre collaborateurs (voir L’éclaireur n°369). Les trainings, c’est bien, mais pour stimuler la créativité, encore faut-il sortir de temps en temps du travail purement «salon». Chez Eric Roman, certains trainings sont résolument «artistiques» (inspirés entre autres des trouvailles piochées dans la revue de presse, voir encadré). «De temps en temps, j’organise une journée «prise de vues», avec un photographe, rapporte Mickaël Zanzouri. Chacun prépare son modèle, c’est hyper dynamisant et pas si cher que ça.» L’occasion pour les collaborateurs de «lâcher prise»... sachant que de ces séances de trainings sortiront quelques détails qui seront appliqués en salon. Tout comme la haute couture n’est pas destinée à être portée dans la rue, mais inspirera directement le prêt-à-porter. Eric Roman : «le message : c’est en training qu’on a le droit de se tromper (même si, bien sûr, je suis là pour recadrer). Surtout, ne pas porter de jugement de valeur, pour ne pas déstabiliser le collaborateur.» Et Mickaël Zanzouri de préciser : «lors de ces séances, 80 % de la réalisation vient de la créativité du collaborateur, 20 % de ce que demande la rue, alors qu’en salon c’est le contraire : la créativité est quand même conditionnée par le désir du client.» «A l’étage, on a un studio photo, ajoute Alexandre Pattein. Les collaborateurs viennent y tester leurs idées, réalisent des visuels en collaboration avec de jeunes stylistes. Ces images servent aussi de bases de propositions pour les clientes. En ce moment, on travaille des placements de lumière à l’éponge, après la coupe, une idée de toute l’équipe.» «Il faut que les gens s’amusent, insiste Patrick Millande. Au salon, on a un jour un casting, un jour un reportage de Télématin, un jour... rien de spécial, et voilà !» «La créativité, ce n’est pas un truc qui descend du ciel», conclut Mickaël Zanzouri. ça vient en regardant tout ce qui se passe ailleurs et en le réinterprétant à sa manière, en lien avec l’air du temps. Pour moi, un créatif, c’est quelqu’un qui sait regarder autour de lui
CHARITÉ BIEN ORDONNÉE... COMMENCE PAR SOI-MÊME !
Pour Patrick Augustin (salon «Patrick Augustin», Paris 17ème), «l’élément de base, c’est la motivation du chef d’entreprise : si les collaborateurs voient le responsable vivant dans son entreprise, ils ont envie de lui ressembler. Il faut soi-même rester éveillé en permanence, être «là» même si on est absent, en contact permanent.» Pas facile tant le quotidien donne parfois l’impression d’avoir «le nez dans le guidon». A chaque chef d’entreprise sa façon d’entretenir sa curiosité : voyages (Guy Postec), travail dans la mode (Patrick Augustin), expos, cinéma, etc. Alexandre Pattein : «ce qui m’a le plus appris, ce sont les voyages. En Italie, les gens font bien plus attention à eux qu’ici. Quant au Japon, c’est le pays du service : c’est la cliente qui décide quand elle se fait coiffer, auparavant elle peut avoir passé une heure à bouquiner...» «Si je m’amuse dans mon affaire, alors les autres aussi !» sourit Patrick Millande.
REVUE DE PRESSE
Une vraie bonne idée chez Eric Roman («Eric Roman Emoi») : «Une fois par mois, on fait une revue de presse. On doit tous avoir compulsé la presse féminine, people, déco... A chacun de fouiner tous azimuts : kiosques à journaux, Internet... Ce jour-là, chaque collaborateur présente sa revue de presse, parle de ce qui l’a frappé, des tendances qui émergent...» But de l’opération ? Arriver à dégager une «quintessence» des tendances actuelles, sentir ce qui va se faire, bref, insuffler encore et toujours de la créativité. «Mes collaborateurs adorent, c’est un moment relax, de pleine liberté», poursuit Eric Roman. «On est un métier de curieux, il ne faut pas l’oublier...» Facile à mettre en place, pas lourde à gérer, la revue de presse est typiquement le genre d’initiative qui fait souffler un vent de créativité au salon. D’ailleurs, le salon «Eric Roman Emoi» de Nîmes l’a aussi adoptée.