Le risque accru de contracter un cancer de la vessie dans certains métiers, comme dans la coiffure, est un sujet qui inquiète depuis des années. Pourtant, les professionnels de la prévention et de la santé en colloque en mars dernier se sont voulus rassurants. Les recherches épidémiologiques et les rencontres régulières sous l’égide de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) permettent, depuis environ 4 ans, de suivre précisément nombres de maladies professionnelles. Si chaque année, de 625 à 1 100 cas de cancers de la vessie sont liés à une exposition professionnelle ou environnementale*, la part des coiffeurs, concernés dans ce total, semble faible -mais ne doit pas être négligée. Et le risque devient inexistant pour les consommateurs de coloration, malgré une étude qui a entretenu le doute en 2003 : les méta analyses ultérieures ont été plus rassurantes, comme le constate le professeur Françoise Conso de l’université Paris V. Finalement, les facteurs de risques les plus significatifs pour le cancer de la vessie sont plutôt une petite sensibilité génétique et surtout le tabagisme.
DANS LE DOUTE, LA PROTECTION S’IMPOSE
Depuis des années, les chercheurs voient la situation s’améliorer dans nos professions sans en tirer de conclusions définitives : meilleure protection ? Dépistage sous-évalué ? Efforts des chimistes ? Reste que la composition des produits a beaucoup évolué depuis les années 50, Même si ces pathologies ont un délai de déclenchement qui se compte en dizaines d’années, ce qui complique le diagnostic de la cause initiale (exposition professionnelle, alimentation, tabac, etc.). Les progrès dans la prévention ont aussi joué un rôle positif, même si tous les professionnels ne respectent pas la meilleure mesure contre la migration des produits : le port des gants. Rappelons que près d’un quart d’une substance active peut franchir la barrière cutanée en moins d’une heure. Par ailleurs, la réglementation limite la concentration des composés sensibles sans nécessairement les interdire dans la formule des produits. Beaucoup ont été, par précaution, supprimés de l’initiative des industriels… mais pas tous, notamment lorsque les composés de substitution n’existent pas. Pour les produits techniques de coiffure, le contact cutané est quasiment la seule voie encore significative de contamination possible depuis que les COV (composés organiques volatiles attaquant directement les poumons) ont été remplacés dans les produits cosmétiques. Les dernières amines aromatiques dangereuses ont été interdites depuis 1989. Avec une latence de 10 à 15 ans avant le déclenchement des cancers, on peut désormais oublier ce facteur de risque, devenu marginal et cantonné à certaines industries particulières. Reste que depuis 2001, des maladies déclenchées chez les coiffeurs ont alerté les professionnels de la santé, la plupart des cas semblaient liés à une exposition dans les années 60… chez les hommes utilisant de la brillantine ! Actuellement, le risque majeur est à chercher du côté du PPD (paraphénylènediamine ou diaminobenzène), mais cet allergène probable est bloqué par le simple port de gants. Enfin, l’INRS met en garde contre la diéthanolamine, un temps utilisées comme tensioactif dans certains produits cosmétiques. Une recommandation largement anticipée par les industriels du secteurs : des produits de substitution ont été mis en place dès les premiers doutes sur ce composé, impliqué dans les cancers de la vessie. Pour autant, la vigilance est toujours de mise. Ainsi, après la disparition des COV dangereux, l’industrie a largement adopté les éthers de glycols en substitution, même si certains ce sont avérés douteux dans leurs effets potentiellement mutagènes pour l’homme. Les industriels des cosmétiques les ont bannis avant même d’être sûrs, principe de précaution oblige. De même, nombres de composés d’origine animale ont brusquement disparu des étiquettes lors de la crise de la vache folle ! Par peur de la mauvaise publicité…
DES MALADIES DIFFICILES À FAIRE RECONNAÎTRE
Autre bonne nouvelle, le dépistage du cancer de la vessie est mieux maîtrisé et le taux de guérison en progression. Fabien Saint, urologue au CHU d’Amiens, rappelle que ces maladies touchent à 76% les hommes, avec un âge médian de déclenchement de 71 ans. Et, surtout, que 70% des cas sont superficiels. Enfin, un facteur de risque était jusqu’alors négligé : Internet ! L’automédication « naturelle » en ligne, notamment à travers des commandes d’herbes chinoises amaigrissantes, peut déclencher des cancers. Café et édulcorants semblent par contre dédouanés de toute influence significative. Au final, le nombre important de facteurs de risques en dehors de l’exposition professionnelle rend très difficile la reconnaissance au titre des maladies professionnelles des cancers de la vessie. Seuls 15% des dossiers déposés ont abouti. Face à certaines études contradictoires, les médecins recommandent de toute façon une grande vigilance des pouvoirs publics, notamment du fait de la difficulté de transposer les résultats des expérimentations animales à l’homme concernant la dangerosité de certains composants. Les cancers professionnels dans leur ensemble sont annuellement responsables de 4% des 150 000 décès lié à l’ensemble des cancers, de quoi prendre le sujet au sérieux… Mais relativisons cependant, 35% des décès sont liés à notre mauvaise alimentation et 30% sont dus au tabagisme!
*soit 5% à plus de 20% des cas recensés dans l’ensemble de la population, selon les sources
L'Eclaireur